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12 février 2009

La colère du Lieutenant BORGOLTZ

Jean-Baptiste (merci à lui) me fait part du texte suivant figurant dans : Verdun de Jacques-Henri Lefebvre (éd. du Mémorial, 1990, 9e éd., p. 282-284)

Voici donc le récit du Lieutenant BORGOLTZ, 3 mois avant la chute du fort :
Étant de repos au PC de la compagnie pour les journées du 5 et du 6 mars, j'y apprends que le Lieutenant CHALVIN est chargé de faire, le 6, la reconnaissance du fort de Vaux par mission spéciale.
Je demande à l'accompagner. Nous pénétrons dans le fort par le fond du fossé ; l'entrée est encombrée par quelques éboulements. Un gros bloc de béton obstrue en partie le fossé.
Malgré le marmitage intense par obus de 305, 380 et même 420 qu'elle a déjà supporté, la dalle en béton de la caserne est intacte et sans fissure.
Par contre, la dalle de la communication avec la tourelle de 75 est crevée ; on voit le ciel à travers les fers tordus du béton armé.
Escaladant les décombres qui encombrent la galerie, nous gagnons la tourelle qui est désarmée de ses pièces de 75 et paraît endommagée. Le cuvelage et les abris en sous-sol sont intacts. Telle qu'elle est, on pourrait y mettre des mitrailleuses en batterie destinées à balayer les glacis en cas d'attaque.
La superstructure du fort (banquettes et parapets) est complètement bouleversée, les observatoires cuirassés sont encore en bon état.
Toutes les autres communications, ainsi que les deux casemates de Bourges et les coffres flanquants, sont intacts.

Karte_Fort_Vaux
Source : http://www.de.wikipedia.org

Nous sommes très surpris de trouver ces organes sans défenseurs, les casemates de Bourges étant d'ailleurs désarmées de leur 75 et remplies d'explosifs.
Étrange conception de l'utilisation d'un ouvrage fortifié qui consiste à préparer tout pour le détruire et rien pour le défendre.
Quelle lourde responsabilité pour le chef qui a donné l'ordre de prendre de pareilles mesures !
Je m'explique seulement alors comment les Allemands ont pu, le 25 février, s'emparer de Douaumont sans coup férir.
Par les embrasures des coffres de flanquement, nous voyons des portions entières de contrescarpe renversées dans les fossés. Un seul bloc mesure plus de 10 m3.
Le flanquement par les coffres est rendu plus difficile en raison de ces éboulements.
Il faudrait une section du génie pour diriger et faire exécuter les travaux de déblaiement ainsi que pour mettre en place des réseaux Brun barbelés afin de rétablir l'obstacle et d'obstruer les brèches.
Tel qu'il est, l'ouvrage est susceptible d'une défense sérieuse.
Il suffirait de déblayer convenablement les fossés pour en assurer le flanquement par les coffres, de placer des réseaux Brun barbelés pour rétablir l'obstacle en obstruant les brèches, et de disposer un certain nombre de mitrailleuses en batterie dans la tourelle, dans les casemates de Bourges et les coffres de flanquement pour balayer les glacis et battre les fossés en cas d'attaque.
Les communications à découvert avec le plateau en arrière du fort sont précaires et très périlleuses en raison de l'arrosage constant par obus de tous calibres, entretenu par les Allemands, qui gêne les ravitaillements.
Pourquoi, depuis que l'on est fixé sur cette façon de procéder des Allemands, l'ordre n'a-t-il pas été donné de creuser une galerie suffisamment profonde de 350 ou 400 mètres de longueur, pourvue à ses deux extrémités de deux ou trois sorties, débouchant d'une part dans le coffre S-O de l'ouvrage et, d'autre part, à l'arrière vers la lisière nord des bois de la Vaux-Régnier ? Une seconde galerie pourrait également faire communiquer le fossé de gorge avec les pentes ouest du ravin de la Horgne.
Ainsi seraient assurés, en tout temps, en toute sécurité, malgré le bombardement, la relève du personnel ainsi que le ravitaillement en vivres, eau, matériel et munitions de la garnison de défense.
D'où possibilité de prolonger la résistance en limitant les fatigues et réduisant les pertes.

A la suite de ce récit, il est indiqué :
" L'officier supérieur du génie à qui BORGOLTZ fit ces confidences déclare que le jeune officier lui avait parlé d'une voix saccadée, et que dans son regard voilé par les larmes brillait une sombre colère qu'il avait peine à contenir. Il jugeait avec une implacable sévérité les chefs qui, par pure imprévoyance, incurie ou ignorance, avaient réduit à l'état de vulgaire épave échouée, désarmée et sans défense, ce formidable cuirassé de premier rang qu'était le fort de Vaux. "

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