Vaux devant Damloup - 8 mars 1916 (1ère partie)
Le bombardement commencé vers 6 h en arrière des tranchées redouble de violence et est dirigé sur les premières lignes.
A 10 h, les tranchées de la 5è Cie sont arrosées de gros projectiles. Celles de la 4è section n'existent plus ; on a l'impression que les morts se touchent et les obus pleuvent ainsi jusqu'à 16 h.
Un peloton de la 8è Cie part aider le Lieutenant BLANQUIE et se place à sa droite dans la nouvelle tranchée du ravin.
Entre-temps, l'ennemi envoyait ses deux premières vagues du fond du ravin, mais prises entre deux feux, elles renoncent à leurs projets.
Dans la nuit du 8 mars, à 2 h, le bombardement fait rage et nous occasionne des pertes sévères ; on compte 62 coups à la minute. Il est 5 h, quand la 8è Cie vient en renfort, un peloton se tient en liaison avec le 3è bataillon, un autre constitue une réserve dans les anciennes tranchées de la 7è Cie.
Au petit jour, aussitîot qu'elle en a reçu l'ordre du Colonel, la Cie GIRAUDON, la 2è, arrivera en soutien. Vers 9 heures, on voit passer le Colonel NAULIN, commandant la Brigade, blessé à la tête par un éclat d'obus, alors qu'il inspectait les lignes du 409è.
Au cours de la matinée, l'ennemi profite de son déluge d'obus, pour s'infiltrer peu à peu dans le ravin du nord de Vaux, et se rapprocher de notre front. On le voit aussi se rassembler en forces derrière le remblai formé par la voie ferrée au sud-est de la station.
Les minenwerfer de l'ouvrage d'Hardaumont écrase l'ouvrage sud et les positions de la 5è Cie dont la 1ère section est complètement anéantie : son chef l'Aspirant POUPONNOT, tombe mortellement blessé.
Sur tout ce front, il ne reste plus en ligne qu'une trentaine d'hommes qui voient souvent leurs fusils brisés par la mitraille.
Bien que blessé, le Sergent BOUCHER qui sera tué un peu plus tard, travaille avec ses hommes à déterrer les camarades ensevelis sous les éboulements. Le Lieutenant DUBOIS, atteint lui-même, prévient que sa situation est intenable, car maintenant ce sont les torpilles qui fauchent les derniers éléments de sa compagnie.
Quel est donc ce petit soldat de France couché sur un brancard ?
Il baigne dans son sang, et il crie au passage :
" Au revoir, mon Commandant, on les aura ! "
Là-haut une poignée d'hommes surhumains luttent encore ; mais dans toutes les sections, chez les mitrailleurs qui servent leurs dernières pièces, les vaillants succombent sous les coups, et les cadavres s'entassent les uns et les autres.
L'ordre donné au début de tenir Hardaumont coûte que coûte - pourra-t-on jamais endiguer le flot des assaillants ? - n'avait point été rapporté ; et à 9 h, la 9è Cie occupait l'ouvrage, aidée par la section de mitrailleuses du Sous-lieutenant MAUGER. Et tandis que la 12è Cie se portait au village de Vaux, une de ses sections prenait les abris à mi-pente.
" Gardez vos positions ! Gardez vos tranchées. " fait circuler le Commandant PROUST ; " le Lieutenant VALTAT abritera les deux mitrailleuses qui restent à la carrière et les replacera dès que le bombardement sera moins intense ; tenez bien, le peloton du Sous-lieutenant CAGNAC va partir de suite vous renforcer. "
Dans la fumée et le bruit assourdissant, un coureur se précipite, il est porteur d'un pli :
" Le Lieutenant DUBOIS répond qu'il tiendra la tranchée jusqu'au bout et vengera ses morts. "
La 8è attaque devait se produire à 10h30. Comme le bombardement ralentissait, l'ennemi se lance à l'assaut de la redoute sud-ouest d'Hardaumont dont il s'empare, puis il poursuit son élan, descend en tirailleurs vers la voie ferrée. Un combat s'engage sur le front est ; le 2è peloton de la 2è Cie, les pionniers du régiment viennent alors renforcer la droite du bataillon. L'ennemi envoie des groupes en avant et place ses mitrailleuses face aux brèches du parapet. Au point délicat de la soudure avec le 3è bataillon, un peloton de la 8è Cie se replie, le 2è [peloton] qui n'a plus qu'une trentaine d'hommes se joint à la Cie BLANQUIE, mais, en fin de combat, ils sont faits prisonniers avec le Sous-lieutenant POULARD et l'Adjudant BOURDEAU.
Le Commandant PROUST rend ainsi compte au Colonel DERDOS :
" Les compagnies ont l'ordre de tenir et elles tiendront jusqu'au dernier homme, mais il est de mon devoir de prévenir le commandement de la situation et de lui dire que la ligne devient de plus en plus faible, par suite des pertes et des tranchées qui n'existent plus dans certains endroits. Vous pouvez compter sur nous ! "
A suivre...
Extrait de Avec le 409è RI - histoire vécue des poilus du 409è - Maurice BRILLAUD