Vaux : la longue nuit du 8 au 9 mars 1916 (2)
C'est alors que ceux qui se trouvaient sur l'autre versant,
c'est-à-dire à la carrière, près du Bois-vert, purent voir monter les
Boches nombreux comme une fourmilière en marche. Ils avançaient, en
rangs serrés, et sur la terre mutilée, tel un long serpent vert foncé
rampant. Haletants, nos soldats assistaient à cette progression, et
quelle joie pour eux, malheureusement trop rare, quand un de nos obus
tombait dans cette masse et qu'après l'éclatement ils distinguaient une
tache verte à jamais immobile. Sur le versant occupé par les Boches, à
mi-pente, des infirmiers allemands, reconnaissables à leurs brassards,
portaient des civières ; les soldats français, en présence de ces actes
de charité qui se passaient à portée de fusil, ne tiraient plus. Mais
soudain, en récompense de leur attitude chevaleresque, ils reçurent
dans le dos des balles : les Boches, employant un subterfuge en
parfaite harmonie avec leurs sentiments, avaient transporté, sous le
couvert de la croix rouge, non pas des blessés, mais des mitrailleuses
qui, installés en un instant, criblaient nos pauvres soldats de leurs
projectiles.
Pendant que le Colonel DERDOS donne des renseignements sur la
situation, un fort parti allemand, deux compagnies environ, qui s'est
glissé dans la grand'rue du village, arrive jusqu'au poste de
commandement.
La 10è Cie du 408è refoule les assaillants à la baïonnette au-delà de
la barricade défendue par deux mitrailleuses et reprend la moitié du
village. Le 409è qui a beaucoup souffert dans cette journée, n'existe
plus guère au sens tactique, aux dires du chef qui le commande.
Le 9 mars, à 1 heure du matin, la compagnie de mitrailleuses du
Capitaine CARRÉ, s'installe sur la première ligne. Elle défend cette
position et s'oppose à la ruée de l'ennemi de ce côté du village.
On se rassemble autour du Capitaine CARRÉ, à cette heure des plus
critiques ; l'ennemi est en force, sûr de lui, bien outillé, et les
hommes cependant demeurent dans un calme complet.
Ils tirent avec assurance, un peu vivement sans doute, mais sans
précipitation ; ils causent entre eux, se passent des indications
utiles, plaisantent même.
La neige ne cesse de tomber. Sur la gauche, la seule mitrailleuse qui
reste est mise en action dans le Bois-vert. Cependant avec les restes
du pauvre bataillon et les éléments non moins pauvres des autres
compagnies, la ligne entre le 21è RI et le bataillon renfort du 408è
était reconstituée comme au matin de l'arrivée dans le secteur ; le
poste de commandement était encore à la carrière, le saillant
d'Hardaumont était redressé.
Depuis deux jours, les hommes n'ont plus à manger, ils succombent au sommeil.
Une note du Colonel DERDOS félicite chaleureusement les survivants
pour l'héroïsme dont ils ont fait preuve au cours de la terrible et,
hélas, coûteuse journée.
Tout ce qui restait du régiment avait été une fois de plus ramené à la bataille.