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Le blog du 409e RI
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9 mars 2009

Vaux : souvenir d'André COLOMBIER

Dans " Les Camarades " de Roger BOUTEFEU sont regroupés 600 récits de combattants français et allemands de 1914-1918.
Parmi eux figure le récit d'André COLOMBIER - sous officier à la 1ère Cie du 409è RI. (Merci à Olivier pour la communication de cet extrait)

Le 9 [plutôt le 8 le commandant DE LATTRE étant décédé le 8], au matin, ordre de nous rendre immédiatement au village et au Fort de Vaux attaqués plusieurs fois.
Nous passons devant les batteries de 75 du 60è RA ; elles tirent sans arrêt, à une distance d'environ 900 mètres. Nous arrivons au " Ravin de la Mort " ; il conduit directement à Vaux.
La traversée de ce ravin est terrible. Dès l'entrée, des mitrailleuses installées sur les crêtes nous saluent de leurs sinistres claquements. Tirés comme des lapins, des camarades tombent. Une odeur intolérables de putréfaction, de poudre et de gaz lacrymogènes subsiste dans le fond de ce ravin maudit. Nous sautons par-dessus les cadavres et arrivons près du village de Vaux. Pour y pénétrer, nous devons traverser une sorte d'étang sur des branchages.
Vers les 15 heures, une forte colonne allemande surgit des bois d'Hardaumont et fonce sur nous. On nous fait déployer en tirailleurs. Les Allemands sont à 300 ou 400 mètres de nous, lorsque des camarades hurlent :
" Ils nous attaquent à droite ! "
C'est exact ; de fortes colonnes, venant de la route d'Etain, avancent sur nous, arme à la main, la baïonnette au canon. Elles sont à 100 ou 150 mètres.
Immédiatement, nos compagnies déployées, face au nord, se tournent vers la droite et notre capitaine hurle :
" En avant, à la baïonette ! "
Grimaçants, hurlant, la baïonnette en avant, nous courons vers les Allemands. Des idées rapides, confuses, défilent dans notre subconscient. Arrivés à trente mètres, les Allemands nous crient en levant les bras :
" Kamarades ! Kamarades ! "
Mon capitaine près de moi avec le commandant DE LATTRE hurle :
" Cessez le feu, cessez le feu ! Ils se rendent. "
Au même instant, des Allemands s'écartent et, sur une civière, accompagnée d'hommes au brassard de la Croix-Rouge, une mitrailleuse crache sur nous à une trentaine de mètres de distance. C'est l'hécatombe. Mon capitaine tombe près de moi, le commandant DE LATTRE et des camarades aussi. Le bataillon est décimé. Le soir, nous restions 27, désemparés, isolés.
J'ai pris le commandement et fait déployer en tirailleurs, parallèlement à la face nord du Fort. Au cours de la nuit, la liaison s'effectuait avec le 408è RI qui, l'arme à la bretelle, arrivait en renfort. Il ignorait la destruction du 1er bataillon ; aussi comme à la faveur de la nuit, les Allemands s'étaient infiltrés dans une partie du village, le 408è dut leur livrer combat dans un corps à corps terrible.
Malgré les fusées éclairantes, la nuit se passa dans l'anxiété ; ni les Allemands, ni nos troupes ne savaient exactement où s'arrêtaient les lignes.
Le Bois de la Caillette, les crêtes du Ravin de la Mort, le secteur de Douaumont, les ouvrages d'Hardaumont au nord, la route d'Etain à l'est, une partie du village de Vaux, le cimetière et le bas des pentes du Fort se trouvaient, nous le supposions, aux mains des Allemands !
Au petit matin, un bombardement infernal sur le Fort et ses alentours laissa présager une nouvelle attaque. Des 26 camarades, certains furent atteints dans les trous creusés hâtivement au cours de la nuit.
Le 10 au matin, les Allemands, en vagues successives, attaquent le Fort sur sa face nord et nord-est. Mon petit groupe tire debout, à coups de fusils, de fusils-mitrailleurs sur ces colonnes allemandes, cibles mouvantes, collées les unes aux autres, qui disparaissent et reviennent, dans une épouvantable continuité : un véritable massacre. Les pentes du Fort sont jonchées de cadavres.
Le 12 mars, nous quittons enfin cet enfer pour un repos de quelques jours.

André COLOMBIER était alors soldat à la 1ère Cie, il reçut une citation à l'ordre de la Division :
" A pris le commandement d'un groupe de camarades, sans chef, les a encouragés et a assuré la liaison. "

Plus tard comme Caporal, il reçut une autre citation à l'ordre de la Division dont le texte ne figure pas au JMO du régiment.

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