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Le blog du 409e RI
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13 mars 2009

Les regrets de l'Abbé RAMBAULT

10 mars 1916 - Verdun Caserne Bévaux

Je n'ai réussi à rejoindre mes camarades que le lendemain du carnage. Si je n'avais pas dans le coeur la foi d'un Vendéen et d'un prêtre, ce serait un cri de désespoir que je jetterais sur cette feuille.
Ce qui reste de mon pauvre régiment n'avait plus rien d'humain jusqu'à hier : ce n'étaient que de pauvres loques, de pauvres êtres ahuris et demi-fous, tout étonnés de se voir encore vivants et d'avoir pu sortir de cette bataille unique dans l'histoire du monde.
Il faut que je vous avoue que, depuis ces jours affreux, j'ai de véritables crises, non pas de désespoir, parce qu'un chrétien et même un Français n'ont jamais le droit de désespérer, mais des crises de profonde tristesse.
La pensée de tous mes chers disparus me poursuit partout : les regrets de ne pas m'être trouvé au milieu d'eux, au moment solennel, m'accablent de plus en plus. Quelle fête, quelle réception les vrais Français qui les avaient précédés ont dû faire à nos morts qui arrivaient là-haut !
Par moment je ne puis me faire à l'idée d'être séparé de ces frères d'armes, de ces amis, de ces saints, et je voudrais presque rencontrer l'occasion de les rejoindre. Oh ! Vraiment, il y a des moments où l'on comprend qu'il est plus doux de mourir que de vivre.
Nos petits soldats ont été merveilleux, surhumains ; jamais on ne fera suffisamment leur éloge. Devant une mort certaine et souvent sans voir l'utilité de leur résistance, ils préférèrent tenir jusqu'au bout plutôt que de se rendre. Le régiment aurait pu être fait prisonnier sans déshonneur, il a préféré mourir en héros.
Ah ! J'aurai sur la conscience toute ma vie de n'avoir pu assister à ces combats, page d'or que le régiment vient d'écrire.
D'après ces détails, vous devinez les pertes. Il y eut des compagnies qui restèrent avec 4, 6, 8 hommes. Parmi les morts, hélas ! je pleurerai longtemps mon cher commandant DE LATTRE.
Il partit à l'attaque le premier, devant tous ses hommes, rayonnant comme un saint qui entre dans la gloire.
Il fit 100 mètres, une balle le frappa en plein front, et le Bon Dieu cueillit son âme et l'emporta au ciel.
Dire que je n'ai pu le remercier de ses bontés plus que paternelles pour moi ! Lui qui désirait tant avoir un prêtre auprès de lui, à l'heure de sa mort !
Il est tombé loin de moi et est resté abandonné entre les deux lignes, sans que je puisse le bénir une dernière fois et arracher ses précieux restes aux mains sacrilèges qui ont dû le fouiller et le profaner.
Chaque fois que je veux prier pour lui, je ne puis, je suis toujours tenté de l'invoquer.Quelle belle âme ! Il avait communié en viatique le matin, sur le champ de bataille.
Le Sous-lieutenant Jean DE BEAUREGARD, fils du saint député de Bressuire si regretté, eut le même sort ; il tomba en faisant un grand signe de croix ; belle mort digne de la mémoire de son père.
28 officiers ont été frappés mortellement. L'abbé BRILLAUD est survivant. Je suis désolé d'être arrivé trop tard.
Mon seul désir est de retourner vite venger nos morts.

Extrait de l'Abbé Henri RAMBAULT - 1885-1918 par Maurice BRILLAUD

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Commentaires
C
"Mon seul désir est de retourner vite venger nos morts." Drôles de paroles pour un abbé. Saleté de guerres ou le patriotisme sert le dessein des puissants. " La guerre, un massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent mais ne se massacrent pas." Paul Valery
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