Décembre 1915 - Janvier 1916 : la barricade de Beuvraignes (80)
Nous voici, depuis le 21 décembre, au-dessus de la guerre de mines, avec ses brutalités sournoises : camouflets qui effondraient les galeries sous nos pieds, fourneaux qui explosaient en laissant des entonnoirs qu’il fallait disputer à l’ennemi. Et cette ardente bagarre souterraine se livrait dans un espace dont on a peine à s’imaginer le peu d’ampleur : les lignes adverses n’étaient séparées que par la largeur d’une route, à la Barricade de Beuvraignes, qui était au centre de cet hallucinant système.
On la
revoit en songe, avec ses cagnas écrasées, ses créneaux informes, sa tranchée
peu profonde, constamment bouleversée par les paquets d’explosifs (les fameux
sacs à charbon). Les occupants avaient bien garde, d’ailleurs, de corriger la
triste silhouette du paysage : tout effort de rectification était signe de
vie, donc signe de mort.
L’oreille collée à un bidon posé à terre, et qui faisait office de caisse de résonance, le guetteur avisé annonçait joyeusement : « Ca gratte, là-dessous, donc ils ne bourrent pas encore le fourneau ». Seuls le silence ou les coups sourds faisaient présager le drame. On connut, là, le prix du temps et le soulagement que procure une relève.
Les pertes
y furent assez sévères. Dans la semaine des fêtes de fin d’années, nous
perdîmes 21 tués et 33 blessés. Cependant, la nuit de Noël fut calme, de
convention réciproque. La fantaisie de Cagnac se donne libre cours, à minuit,
sur son violon, à 10 mètres des Allemands, qui poussèrent des hourrahs. Mais, à
l’aube, il valait mieux ne pas risquer un œil trop insistant au-dessus de ce
qui avait la prétention de s’appeler encore un parapet.