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Le blog du 409e RI
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15 mars 2009

Hommage d'Henry BORDEAUX

Dans Avec le 409è RI - histoire vécue par les poilus du 409è, Maurice BRILLAUD cite un extrait des " derniers jours du fort de Vaux par Henry BORDEAUX ".

Henry BORDEAUX (1870-1963), était académicien, avocat, romancier, essayiste
Grand croix de la Légion d'honneur, croix de guerre 14-18.

De la route, je vois des soldats étendus sur l'herbe, se chauffant au soleil printanier, ou pêchant dans la rivière, ou jouant au ballon, comme des collégiens. Des autobus les ont cueillis non loin du champ de bataille de Verdun, brusquement, pour les transporter ici, dans la paix des campagnes. Ils n'entendent même plus le canon. C'est étrange ce contraste entre l'enfer de Vaux et ces bucoliques. La vallée de la Saulx est, parmi les vallées meusiennes volontiers un peu tristes et graves, la plus riante, la plus fleurie, la plus coquette. Une eau claire en arrose les prairies et allonge indéfiniment son cours par ses méandres. Voici Montiers surSaulx, où cantonne pour quelques jours la 303è brigade. Le Sire de Joinville y demeura ; Jeanne d'Arc le traversa, songeant à sa mission. Les troupes en casque bleu-gris qui circulent place centrale où joue la musique militaire, ne sont pas très différentes, dans leurs uniformes clairs et sous leur salade, des hommes d'armes du temps jadis.
Par petits groupes, les hommes se promènent, allument leurs pipes, causent avec les habitants. C'est une vision de manoeuvres pendant un jour de repos, et même les démarches sont si alertes qu'on imaginerait des troupes fraîches nouvellement débarquées et prêtes à rejoindre le front. Cependant la sentinelle qui monte la garde devant la mairie a son casque troué.
D'autres casques sont bosselés ou défoncés. L'un ou l'autre de ses paisibles promeneurs a la main bandée ou quelque cicatrice au visage.
Le Colonel qui commande la brigade [NAULIN] porte à la joue une estafilade dont le sang achève de sécher ; modestes blessures qui n'ont pas été estimées dignes d'une évacuation.
Ces hommes-là sont ceux qui ont contenu les assauts des Allemands contre le village et le fort de Vaux, les 8, 9 et 10 mars. Ils se souviennent à peine qu'ils ont fait reculer l'ennemi ; ils ont trop occupés à oublier leurs misères, le froid, la neige, le manque de sommeil, les longues heures passées accroupis dans les trous de loup, les camarades perdus, la présence continue de la mort pendant ce bombardement qui brise les nerfs et broie la pensée.
Aucun d'eux ne fait de lui-même allusion à une aventure si proche : par-ci par-là, seulement un mot, qu'il faut être de la partie pour comprendre. Plus tard chez eux ou sur un autre théâtre de la guerre, quand ce passé-là sera bien devenu le passé, ils le raconteront à leur façon. Encore ne tarderont-ils pas le mêler à d'autres événements antérieurs ou postérieurs. Pour le moment, ils se contentent de dire que Verdun enfonce tout. Ces comparaisons de connaisseurs suffisent à graduer les mérites. Ils n'éprouvent aucune satisfaction à revenir sur ce qui est accompli, sauf pour affirmer que les Boches ne passeront pas. Et ils s'ouvrent à la joie de revivre posément et sans risque. Pour un peu, ils se tâteraient les os afin d'être sûrs qu'ils sont encore bien vivants. Les visions de cauchemar qui leur reviennent les en feraient douter encore.
Il faut sans hâte prendre contact avec leurs chefs et avec eux-mêmes pour démêler petit à petit la vérité et reconstituer les premiers combats de Vaux.

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